C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès de notre collègue Jean-Luc Ferat survenu le 3 Janvier à l’âge de 59 ans après 10 années de lutte acharnée contre un cancer. Au cours de ces années, Jean-Luc a fait preuve d’un courage extraordinaire avec le souci de continuer à assurer son travail d’enseignement et de recherche.
Jean-Luc Ferat a été recruté en 1997 par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines puis a été nommé Professeur de Biologie Moléculaire et de Génétique à l’UFR Sciences du Vivant de l’Université Paris Cité en septembre 2022. Tout au long de sa carrière, il a mené avec passion et détermination à la fois son travail de recherche et celui d’enseignement.
Dès ses débuts, Jean-Luc a associé dans sa recherche en biologie et génétique moléculaire des bactéries une composante de phylogénie et de bioinformatique dont il ne se séparera jamais et qui fait l’originalité de son travail. C’est ainsi qu’au cours de sa thèse au Centre de Génétique Moléculaire (CGM) à Gif sur Yvette sous la direction de François Michel, il a découvert la présence d’introns de groupe II chez les bactéries, suggérant une origine ancestrale de ces introns dont la partie catalytique aurait donné naissance à la machinerie d’épissage des ARN pré-messagers eucaryote. Il s’est ensuite intéressé, chez Nancy Kleckner à Harvard University, à la coordination entre l’initiation de la réplication et le cycle cellulaire chez Escherichia coli.
De retour en France au CGM en 2001, Jean-Luc a développé une approche originale de criblage phylogénomique de gène basé sur la comparaison de domaines protéiques. Cela lui a permis de proposer l’existence d’un lien entre la machinerie de méthylation de l’ADN présent chez certaines bactéries et des gènes impliqués dans la maintenance de l’ADN, lien que par la suite Jean-Luc et d’autres ont confirmé. En utilisant une approche similaire, alliant bioinformatique, génétique bactérienne et biologie moléculaire, Jean-Luc a identifié la protéine DciA comme étant la protéine ancestrale et prédominante impliquée dans la charge de l’hélicase réplicative sur le chromosome bactérien. Au sein de l’équipe de François-Xavier Barre de l’Institut de Biologie Intégrative de la Cellule (I2BC), il a de plus montré le rôle déterminant de DciA dans l’établissement d’une initiation bi-directionnelle de la réplication. En son absence, il y a une perte de la synchronie entre les deux fourches ce qui conduit à une instabilité génomique. Les résultats obtenus par Jean-Luc rendent compte de l’importance d’une initiation bidirectionnelle de la réplication dans les 3 domaines du vivant. Ce sont ces travaux qu’il développait depuis son arrivée à l’Institut Jacques Monod (IJM) au sein de l’équipe de Marie-Noëlle Prioleau.
Jean-Luc a mené ses activités d’enseignement avec la même exigence que pour sa recherche. A l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Jean-Luc a enseigné dans l’ensemble des années de formation. Il a notamment eu la responsabilité des étudiants de première année de licence dans le cadre des enseignements de Biochimie et Biologie moléculaire, et ce pendant une dizaine d’années. Il a été à l’initiative ou s’est impliqué dans la création de très nombreux enseignements du L1 au M2. Il a notamment été moteur dans la création d’enseignements mêlant à la fois la biologie moléculaire, la génomique, la génétique, la bioinformatique et la phylogénie.
Fort de cette multicompétence il a été un acteur clé dans le montage d’une première formation de master intitulée « Bioinformatique et Génomique ». Dans le cadre de la fusion des masters entre les 3 sites Université Evry-Val-d’Essonne, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et Faculté des Sciences d’Orsay sous la bannière de l’Université Paris-Saclay, il a, là aussi, été à l’origine de la création et de l’ouverture en 2015 d’un Master original intitulé « Biodiversité Génomique et Environnement ». Pour cela, il a su convaincre et entrainer dans cette belle aventure des membres de l’AgroParisTech et de l’INRAE. Il a été responsable de ce master jusqu’en 2022, année de son recrutement à l’Université Paris Cité. Suite à sa nouvelle nomination en tant que Professeur d’Université, Jean-Luc s’est immédiatement impliqué dans les équipes enseignantes en partageant son expérience et sa vision scientifique, apportant ainsi sa contribution à l’évolution de certains cours. Il a également été moteur dans la refonte des enseignements de biologie moléculaire du L3 et des évolutions de la maquette du master BMC, contribuant de manière significative à l’amélioration des cursus.
Jean-Luc était passionné par son travail et avait à cœur de partager son enthousiasme scientifique. Il se préoccupait du futur de ses étudiants, les encadrant avec une exigence et une rigueur qui les poussaient à donner le meilleur d’eux-mêmes. Sa très grande culture scientifique engendrait des discussions souvent passionnées et passionnantes.
Nous garderons également en mémoire sa très grande culture générale, son souci du bien commun et sa grande liberté de pensée.
Enfin, Jean-Luc a affronté pendant près de 10 ans sa maladie avec une très grande lucidité, une force de caractère et un courage forçant l’admiration. Il a passé ses derniers moments à se préoccuper de sa fille, de sa famille, de ses étudiants et de ses collègues.
Nos pensées vont à sa fille et à ses proches à qui nous adressons tout notre soutien et nos plus sincères condoléances.